Belleville - UJAP

Je le repère sur le quai comme on repère rapidement les mecs louches à cette heure-là pour les éviter. Elle aussi, d’ailleurs, je l’avais repérée. Parce qu’en fait je lui emboîtais le pas.

Il est éméché comme un jour de bières où il fait trop chaud. Pas elle.
Il l’insulte en anglais.
Il dit des choses à un ado qui doit être leur fils.
Il l’insulte ou l’ignore.
Elle souffre, elle est en colère et triste en même temps. Elle laisse pisser.
Il l’ignore. Change de place mais toujours pas pour se mettre près d’elle comme elle lui a gentiment demandé.
Elle ferme les yeux.
Il rentre avec elle sans être vraiment avec elle.
Elle ferme les yeux.


Ils descendent à la même station que moi.Le gamin a l'air blasé (mais après tout c'est un ado). Lui est à côté de moi dans l’escalier, me regarde profondément. Puis se vautre sur les marches. Moi je n’ai pas pitié.

Ils rentrent de Solidays. Ç’avait peut-être été une bonne journée.



(Photo : Cyril Genty)